Mobilisés en 2020 sur l’un des premiers clusters du territoire, ils racontent… (partie 1)

Suite à l’apparition d’un foyer épidémique de Covid-19 dans l’Oise le 25 février, le Ministère des Solidarités et de la Santé demandera la mobilisation de la Réserve sanitaire pour apporter un appui à l’ARS des Hauts-de-France dans ses missions de suivi et d’investigation autour de ce nouveau foyer ainsi que pour renforcer les centres hospitaliers locaux.
Dès le 28 février, 15 réservistes sanitaires seront mobilisés en renfort de deux centres hospitaliers, d’une plateforme téléphonique à l’ARS et de centres ad hoc. installés dans des établissements scolaires.

Ludivine, infirmière, Brigitte, cadre de santé et Bob, médecin anesthésiste-réanimateur ont accepté de témoigner de cette mission inédite (à l’époque…).

JEUDI 27 FEVRIER

@Bob, médecin anesthésiste-réanimateur et réserviste depuis 2012
Je suis en pleine garde quand l’alerte tombe. Il y a besoin d’un renfort urgent de réanimateur à Compiègne et de médecin SMUR (Service Mobile d’Urgence) à Beauvais.
Cela me semble être un devoir de service public d’aider un hôpital en difficulté. Les praticiens locaux doivent s’isoler, car considérés comme cas contact. La tension sur les services hospitaliers est énorme, et du fait de ma formation et de mon exercice professionnel polyvalent entre les blocs opératoires, les réanimations et la médecine pré hospitalière, il me parait normal de répondre présent à cet appel à mobilisation.

@Ludivine, infirmière et réserviste depuis 2012
Je rentre d’une nuit de travail quand je reçois l’alerte. Le contexte de l’alerte m’intéresse, car être présente au tout début d’une épidémie est quelque chose que je n’ai jamais expérimenté. Je ne connais que le lieu de la mission. Les activités sont vagues, mais l’idée de pouvoir participer à une mission est stimulante et représente un nouveau challenge pour moi. Je contacte ma cadre de santé, pour voir si elle peut me libérer. Après avoir reçu son accord, je postule.

@Brigitte, Encadrante d’unité de soins et réserviste depuis 2016
Depuis plusieurs semaines, je suis avec beaucoup d’intérêt l’actualité concernant le nouveau virus : l’apparition de l’épidémie en Chine, les premiers clusters en France, les nombreuses contaminations en Italie du Nord, le décès d’un professeur dans l’Oise…
Je vois tout de suite au travers de cette alerte une opportunité de participer (à ma mesure) à la gestion d’une crise sanitaire exceptionnelle et historique, et de plonger au cœur de l’actualité. Je réponds à l’alerte à 18h.
Moins d’une heure après ma réponse, mon téléphone sonne. C’est la Réserve sanitaire ! Je confirme ma participation à la mission. On m’indique que la mobilisation commencera dès demain à l’ARS Hauts-de-France, et couvrira une période minimale d’une semaine. Aucun briefing n’est prévu au siège de Santé publique France avant le départ et nous devrons nous rendre directement sur le lieu de la mission.

@Ludivine, infirmière et réserviste depuis 2012
Il est plus de 18h lorsque je reçois l’appel. J’irai dans un collège de Crépy-en-Valois. Je préviens ma cadre de santé et ma famille que je suis sélectionnée. Je prépare alors mon sac et j’attends mon mail de début de mission avec mes billets de train pour demain 5h. La nuit va être courte !

@Bob, médecin anesthésiste-réanimateur et réserviste depuis 2012
Lorsque la Réserve sanitaire m’appelle, on me dit que je serai mobilisé au Centre Hospitalier de Compiègne et affecté au service de réanimation.

VENDREDI 28 FEVRIER

@Bob, médecin anesthésiste-réanimateur et mobilisé au Centre Hospitalier de Compiègne
Après avoir fini ma garde de nuit, je pars directement pour Paris, où j’assiste à un briefing express à la Gare de l’Est, avant de prendre le train pour Compiègne. Tout se passe bien, les transports sont fluides, la voiture de location disponible tout de suite. L’équipe de la Réserve sanitaire chargée de la logistique de ma mission a fait un travail remarquable.
Sur place, je suis accueilli par la direction du Centre Hospitalier de Compiègne, qui m’invite à participer à une réunion de crise. Je prendrai une garde de 24h en réanimation dès ce soir.

@Ludivine, infirmière et mobilisée dans un Collège à Crépy-en-Valois
Mon premier train a du retard, et je dois ensuite faire un changement à Paris. Un peu de stress, mais j’arrive finalement sans encombre. Je fais la connaissance de deux collègues réservistes.
Je suis très bien accueillie par les équipes sur place, malgré le contexte difficile. À ce moment, je comprends le sens de notre mission.

@Brigitte, Encadrante d’unité de soins et mobilisée à l’ARS Hauts-de-France
Après avoir peu (et mal) dormi, je prends un TGV à Poitiers, et j’arrive à Lille à 11h. Au cours du voyage, je rencontre un autre réserviste, Cédric, avec lequel nous échangeons sur nos expériences respectives.

Nous sommes accueillis par Laurent, un autre réserviste, avec lequel nous récupérons les véhicules de location, puis nous nous rendons à l’ARS, où nous attendent la coordinatrice et le référent de mission. Nous recevons un gilet multi-poche, qui nous permettra d’être bien identifiés comme réservistes sanitaires, puis nous nous présentons à l’équipe de l’ARS et à la cellule de crise. L’équipe de direction nous expose la situation, les procédures déjà mises en place et les éléments de langage pour répondre aux appels.



SAMEDI 29 FEVRIER – JEUDI 05 MARS

@Ludivine, infirmière et mobilisée dans un Collège à Crépy-en-Valois
A Crépy-en-Valois, nous participons aux activités de contact-tracing. Nous réalisons des entretiens auprès des enfants et des parents du collège du « premier » patient positif. En cas de suspicion, nous procédons à des tests PCR.
Dans les salles de classe, nous avons installé des salles de consultation. Nous créons des protocoles et sommes à l’écoute de l’équipe pédagogique du collège, très marquée par la disparition de leur collègue.

Photo prise en mars 2020 dans un collège de Crépy-en-Valois


@Bob, médecin anesthésiste-réanimateur et mobilisé au Centre Hospitalier de Compiègne
Au Centre Hospitalier de Compiègne, nous prenons en charge l’ensemble des patients de réanimation, Covid et non Covid, ainsi que du SAUV (Service d’Accueil des Urgences Vitales) avec les équipes locales.
Nos journées sont typiques d’un service de réanimation, avec une forte tension sur les lits hospitaliers et une montée en puissance du nombre de patients sous assistance respiratoire due à la Covid. Je fais donc ce que je ferais dans mon Centre Hospitalier : soigner des gens en état critique.

@Brigitte, Encadrante d’unité de soins et mobilisée à l’ARS Hauts-de-France
Notre mission à l’ARS consiste à venir en appui de la cellule de suivi de cas et d’investigation dans le cadre du cas groupé de Covid-19 à Creil. Les journées sont denses : nous devons couvrir la période 8h-23h.
Nous sommes positionnés sur la plateforme téléphonique avec des personnes de l’ARS. Nous recevons des appels provenant de personnes de zones identifiées à risque ou de parents d’enfants scolarisés dans des établissements fermés.
Lorsque les appels relèvent d’un contact avec un cas confirmé, nous devons saisir les coordonnées de la personne, les transmettre à la cellule de suivi et leur donnons des informations sur la conduite à tenir.
Plus tard, nous participerons à l’enquête épidémiologique conduite pour rechercher le patient-zéro. Nous devons notamment recenser les élèves des collèges et lycées de l’Oise qui ont présenté des symptômes évocateurs d’une infection au coronavirus au cours des semaines précédentes. Ces élèves seront invités à se présenter dans un centre de prélèvement afin de réaliser une sérologie.

Photo prise en mars 2020 à l’ARS Hauts-de-France


VENDREDI 06 MARS – FIN DE MISSION

@Bob, médecin anesthésiste-réanimateur et mobilisé au Centre Hospitalier de Compiègne
Cette mission aura été différente de toutes celles que j’ai vécues. J’étais le seul réserviste sanitaire réanimateur mobilisé. La charge de travail était importante, et le caractère inconnu de la Covid créait une ambiance anxiogène.

Je me suis senti particulièrement utile sur place, et l’ensemble des équipes était soulagé en me voyant arriver. C’était une situation agréable à vivre, et j’ai beaucoup aimé cette mission.

@Ludivine, infirmière et mobilisée dans un Collège à Crépy-en-Valois
Le contexte de cette mission était très particulier. Une conférence de presse avec le Ministre des Solidarités et de la Santé m’a fait prendre conscience que quelque chose d’inédit commençait pour nous.
Les belles rencontres, la reconnaissance que nous ont témoignée les habitants de Crépy, les échanges entre réservistes, et le sentiment d’utilité, m’ont donné envie de repartir pour une prochaine mission !

Photo prise en mars 2020 dans un collège de Crépy-en-Valois

@Brigitte, Encadrante d’unité de soins et mobilisée à l’ARS Hauts-de-France
Je suis vraiment ravie d’avoir vécu cette expérience. Les contraintes sur cette mission étaient nombreuses, mais ont été contrebalancées par d’importants facteurs de satisfaction, notamment les remerciements des appelants et un grand sentiment d’utilité. J’ai eu le sentiment d’être pleinement dans le soin, avec un rôle important d’explications. Enfin, j’ai été très contente de la bonne cohésion du groupe. Je garde un excellent souvenir de mes rencontres et de nos moments de partage et de convivialité.

Pendant cette mission, j’ai eu le sentiment d’être plongée au cœur d’une pandémie envisagée depuis plusieurs années mais que je ne pensais jamais vivre en réalité.