Ma mission d’accompagnement médical des réfugiés de Kaboul

Marie* est réserviste depuis juillet 2020. En l’espace de 13 mois, elle a réalisé huit missions en métropole et en outre-mer pour renforcer les équipes locales face à la Covid-19.

En août 2021, elle participe pendant 6 jours à Abu Dhabi à une mission d’accueil et de suivi des patients pédiatriques qui viennent de Kaboul. L’arrivée de ces enfants est assurée par le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères avec le concours du Ministère des Armées. Elle raconte…

J -1 – 21h45

Je reçois l’alerte pour cette mission par email. Les détails de la mission ne sont pas clairement énoncés, mais des infirmiers avec expérience en pédiatrie et/ou les IPDE sont demandés. Il faut être disponible extrêmement rapidement car le départ pour cette mission s’effectue dès le lendemain.

Ces conditions correspondent à ma situation, mon profil et mon parcours professionnel. Je décide d’envoyer ma candidature, car je souhaite accompagner ces populations meurtries par les drames qui sont en train de se produire. Je veux mettre à profit mon expérience en pédiatrie pour aider les équipes médicales sur place et bien évidemment les enfants afghans qui vivent des événements traumatisants.

J’ai également conscience que la situation à Kaboul était extrêmement grave et que les déplacements pourraient y être risqués.

00h15

Mon téléphone sonne, c’est Catherine Lemorton qui m’appelle. Elle m’indique que je suis sélectionnée pour partir à Abu Dhabi le lendemain avec l’armée française. Finalement, je serai la seule réserviste sanitaire sur cette mission.

Elle me donne quelques éléments supplémentaires sur la mission et m’explique comment cela s’organisera jusqu’au décollage. Plus de temps pour l’hésitation, je prépare ma valise, me repose quelques heures et je pars.

JJ – 9h00

En arrivant au siège de Santé Publique France, je prends un peu de temps pour contacter mon entourage, les prévenir et surtout les rassurer.

Je vais ensuite à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière pour réaliser un test PCR puis je me rends au Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) pour rencontrer les équipes, être briefée sur la mission et récupérer du matériel.

J2 – 6h00

J’arrive à l’aéroport avec un infirmier sapeur-pompier et nous rencontrons l’équipage de l’Armée de l’air avant le décollage pour Abu Dhabi, où nous serons basés pendant toute la durée de la mission.

18h00 (heure locale)

Nous arrivons à Abu Dhabi et rencontrons l’équipe médicale et paramédicale déjà sur place : un médecin de la Sécurité Civile, un médecin du Service de Santé des Armées, un infirmier de la Sécurité Civile, un infirmier du Service de Santé des Armées et trois auxiliaires sanitaires.

Nous découvrons aussi le Poste Médicale Avancé (PMA), le matériel disponible et l’organisation de la base militaire.

J3, J4, J5

Pendant 3 jours et 4 nuits, nous allons accueillir des réfugiés afghans venus de Kaboul et préparer leurs évacuations sanitaires jusqu’à Paris.

Les réfugiés arrivent de Kaboul après avoir attendu un vol plusieurs jours à l’aéroport. Après avoir été accueillis sur la base, ils se présentent au PMA pour la prise de leur température et de leur saturation en O2 (+/- TROD). De nouveaux masques chirurgicaux leurs sont fournis.

Les femmes enceintes, les nouveaux nés et ceux ayant des pathologies chroniques sont répertoriés. Des entretiens thérapeutiques pour les personnes en état de choc post-traumatique et des consultations pour les blessés sont organisés.

Après cela, un repas leur est fourni ainsi que de l’eau et des fournitures de premières nécessités (vêtements, savons, couches et laits pour bébé…). Des agents du MAE les reçoivent pour toute la partie administrative puis ils sont invités à se reposer dans une salle dédiée en attendant leurs vols pour Paris. Cette attente sera en moyenne de 6h.

Pendant ce temps, nous leur administrons des traitements symptomatiques (antalgiques, anti diarrhéiques, crèmes, insuline…). Nous rencontrons beaucoup de femmes qui ne parviennent plus à allaiter à cause du manque d’hydratation. Des enfants ont des érythèmes fessiers, car les changes n’ont pas pu être effectués. D’autres souffrent beaucoup de la chaleur, car il fait 46°C à Abu Dhabi contre 28°C à Kaboul. Des gastro-entérites aiguës provoquent des états de déshydratation chez les sujets jeunes.

Certains n’osent pas nous demander de traitements thérapeutiques par peur de ne pas pouvoir embarquer dans l’avion jusqu’à Paris. D’autres, au contraire, n’ont pas vu de médecin depuis longtemps et ont besoin de suivis médicaux/dentaires/gynécologiques…

J6 – 8h00

Nous repartons vers Paris à bord d’un avion militaire. Nous avons 13h de vol et une escale en Crète. Nous arriverons à 19h00, heure locale.

Cette mission aura été pour moi une mission hors du commun, très riche en échanges humains. C’était une expérience inédite dont les souvenirs et images resteront dans mon esprit.

Elle fut très particulière par rapport à mes autres missions : interdiction de sortir de la base, vie en collectivité 24h/24, peu de temps de repos, difficultés à communiquer avec l’extérieur, adaptation et réadaptation constante en fonction des événements, peu de visibilité sur les actualités, …

La barrière de la langue s’est faite aussi ressentir. Beaucoup de réfugiés parlaient Pachto ou Dari et l’anglais était approximatif pour tout le monde, c’est la raison pour laquelle, la présence de traducteurs a été une aide précieuse.

Psychologiquement, écouter les récits de vie des réfugiés, leurs traumatismes, leurs peurs pour l’avenir et voir leur tristesse et leur fatigue auront été très difficiles. Mais la cohésion entre les équipes, issues de multiples corps de l’Etat, nous a permis de mener à bien cette mission malgré ces conditions si dramatiques. Une solidarité particulière naît dans des situations exceptionnelles comme celle-ci.

C’était une chance de pouvoir participer à cette mission. Je suis fière d’avoir travaillé avec ces équipes médicales et paramédicales très accueillantes et à l’écoute des réfugiés. J’ai aussi apprécié de découvrir l’organisation du MEAE et travailler avec des militaires.

* Le prénom de cette réserviste a été modifié

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