Ma première mission de logisticien en Guyane

(Ecrit en 2020)

Je m’appelle Yves Guillou, je suis ingénieur travaux au CHU de Bordeaux. Je suis inscrit à la Réserve sanitaire depuis janvier 2018. En 2019, par passion, j’ai aussi repris des études dans le cadre d’un master de « coordinateur de mission humanitaire ».

Depuis le début du confinement, je vois passer les alertes de la Réserve sanitaire mais je ne peux y répondre au vu de l’activité importante que j’ai, notamment la mise en place rapide des scénarii Covid au sein de mon établissement.

Début juin une nouvelle alerte tombe, il s’agit d’intervenir en Guyane pour des missions d’environ 3 semaines avec pour objectif de renforcer les équipes locales des centres hospitaliers mais aussi des équipes dites « mobiles » dans leur lutte contre la Covid-19.

Cette fois-ci, je décide de proposer ma candidature.

Jeudi 18 juin (2020) à 17h30 :

« Bonjour, c’est la Réserve sanitaire »

J’attendais ce coup de fil avec impatience et je commençais à ne plus y croire. Le départ est prévu pour le jeudi suivant ! Plein de choses se bousculent alors : prévenir ma hiérarchie, informer mon équipe, préparer mon départ au niveau professionnel (finaliser les dossiers en cours) et personnel (annuler les vacances !), …

Jeudi 25 juin (2020) :

Arrivée sur Paris. Briefing de départ avec la Réserve sanitaire et première rencontre avec les réservistes avec lesquels je vais partager cette mission. Nous sommes une équipe de 12 personnes constituée de 7 infirmiers, une épidémiologiste, un référent de mission et deux ambulanciers qui assurent comme moi la fonction de logisticien.

Fred, Mika, Adeline, Uldrich, Yolande, Laurence, Erica, Clem, Aurélien, Audrey, Marie et Yves lors de la visite officielle de Jean Castex, Premier ministre, et Olivier Véran, Ministre des Solidarités et de la Santé en Guyane en Juin 2020.

Nous serons basés à Cayenne et affectés à la mise en place de plusieurs centres de dépistages massifs sur la région. Notre nom de code sera ROTA04BIS (ndlr : numéro de la rotation).

Les premiers échanges se font, chacun se présente et fait part de son expérience. Pour cette mission, on sort tous de notre zone de confort. Il va falloir exercer notre métier dans un environnement inconnu. Le sentiment général est la fierté d’avoir été choisi comme réserviste pour venir en aide à ce territoire qui en a besoin.

L’arrivée sur Cayenne se fait le samedi soir en plein couvre-feu et sous une chaleur humide qui nous met directement dans l’ambiance. Il nous reste le dimanche pour comprendre réellement ce que l’on attend de nous.

Le lundi matin, nous voilà déjà sur le front.

« Les bénévoles sont les maillons essentiels de notre activité »

Chaque jour nous installons trois sites de dépistages dans les quartiers informels, aussi connus sous le nom de bidonvilles. Les mairies nous fournissent le matériel (tentes, tables et chaises).

Nous travaillons avec des associations locales et leurs bénévoles qui assurent l’accueil et les échanges avec la population. Ils sont le maillon essentiel de notre activité. Quelques jours avant notre intervention, ils assurent des maraudes pour convaincre les populations de venir se faire dépister. Ils sont très efficaces car nous effectuons chaque jour pas moins de 200 prélèvements.

A la fin de chaque intervention, nous prenons un temps pour identifier des pistes d’améliorations. C’est un véritable temps de partage nourrit d’échanges où chacun est dans la bienveillance et le respect du travail de l’autre.

On conclut toujours notre journée dans un centre de dépistage par une photo de groupe pour acter notre parfaite collaboration. Nous sommes tous fiers d’avoir contribué à l’une de ces actions.

L’équipe se construit petit à petit sans aucune barrière sociale. Chacun présente un profil professionnel et personnel très différent mais tout le monde est animé par l’envie de venir en aide à son prochain. Nous travaillons tous d’égal à égal et le partage des tâches se fait de façon intuitive.

Couvre-feu oblige, les soirées se passent en commun à l’hôtel. Durant ces moments d’échanges et de partage, chacun s’ouvre plus que de raison. Les vies privées sont dévoilées comme si nous nous connaissions depuis longtemps.

Cette mission a été pour moi une expérience extraordinaire qui m’a permis de me recentrer sur l’essentiel et de confirmer qu’ensemble on est plus fort.

Ce qui restera le plus ancré dans ma mémoire restera l’accueil des Guyanais qui régulièrement nous répétaient : « Merci d’être là, c’est bien ce que vous faites »

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